Notre nain de jardin fugueur, Peter, part aujourd'hui à la découverte du canton de Lucerne. Un canton de Suisse centrale, au bord du Lac des Quatre Cantons, encadré de montagnes mythiques : le Pilate et le Rigi.
Le Rigi culmine à 1787 mètres. C'est "la reine des montagnes", la première à se laisser dompter par l'homme. En mai 1871, le premier chemin de fer à crémaillère d'Europe atteint le sommet du Rigi. Pour la première fois en Europe, la montagne est à portée de main. C'est une révolution.
Nous sommes dans le plus important musée du genre en Europe, le musée des transports à Lucerne. Tout ce qui vole, qui roule, qui flotte ou même qui marche est ici.
Dans la halle consacrée aux chemins de fer, nous retrouvons le premier train à crémaillère d'Europe, la légendaire locomotive à vapeur du Rigi numéro 7.
L'ingénieur suisse Riggenbach s'inspire des Américains pour placer la chaudière verticalement. Ainsi, les tubes de chauffage restent entièrement dans l'eau, même sur les tronçons les plus abrupts. En 1871, c'est une petite révolution dont on parle dans toute l'Europe.
Jusqu'alors, seuls les fortunés touristes pouvaient s'offrir une montée aux sommets. Ils louaient les services de deux solides porteurs, des guides de montagne confirmés, qui les transportaient à la seule force de leurs jambes et de leurs bras.
Avec la Rigi numéro 7, les porteurs perdent leur travail et le tourisme de masse fait son apparition. La Reine Victoria elle-même y passe ses vacances, la région devient la destination chic du moment, le Rigi rapporte des millions.
Vitznau, sur les rives du Lac des Quatre Cantons. Sur la route, les grands palaces rappellent la Belle époque. Vitznau, c'est le point de départ de la Rigi numéro 7, la gare historique de ce premier chemin de fer à crémaillère.
Aujourd'hui, l'électricité a remplacé la vapeur, mais on reste hors du temps. Les passagers se serrent dans les étroits wagons, le train s'ébranle selon l'horaire, exactement, pour une longue ascension de 35 minutes, jusqu'au sommet du Rigi.
Le conducteur sifflote, Peter s'endort et les voisins font connaissance. A bord du petit train rouge, l'ambiance se détend. Et peu à peu, le panorama se révèle. On devine déjà le lac et les petits villages qui le bordent. Nous dépassons les 1000 mètres d'altitude, le train à crémaillère s'accroche et continue à grimper.
Une dernière montée abrupte et terminus, tout le monde descend. Le petit train nous dépose à 1797 mètres. Peter pose pour la postérité. Maintenant, le sommet du Rigi n'est plus qu'à quelques pas.
Le premier train à crémaillère d'Europe continue à attirer la foule. Sur le chemin du retour, nous rencontrons des vacanciers chinois, ravis de leur dernière excursion avant le retour au pays.
Pour nous, la balade ne s'arrête pas là et continue plus bas, sur les rives du Lac des Quatre Cantons. Lucerne est la plus importante ville du canton et son chef lieu. Pour éviter les bouchons et les soucis de parcage, nous prenons le bateau. Ces superbes engins à vapeur relient les rives. Ils transportent les passagers d'un village à l'autre, comme à la belle époque. Au bout du voyage, la ville de Lucerne.
Lucerne, un paradis pour touristes, une carte postale en mouvement, un chef-lieu qui se glisse dans le "top 100" des villes les plus visitées du monde. Chaque année, 5 millions de visiteurs s'arrêtent ici. Car Lucerne a un trésor. Un pont couvert en bois, le plus vieux d'Europe.
Le pont de la Chapelle relie les deux rives de la ville, enjambant la Reuss. Bâti il y a près de 700 ans, il mesure 280 mètres. C'est un classique et ça grouille naturellement d'appareils photos. Asiatiques en tête ; à Lucerne, ils représentent 3 visiteurs sur 10.
Dans la nuit du 17 au 18 août 1993, le pont a très chaud. Un violent incendie ravage l'édifice de bois, qui s'embrase immédiatement. Seules les deux extrémités du pont sont épargnées. C'est une catastrophe. En l'espace de 8 mois, un temps record, le pont est reconstruit à l'identique, ou presque.
Aujourd'hui, le pari est gagné, puisque le pont de la chapelle et la tour de l'eau qui le domine sont les monuments les plus photographiés de Suisse.
A quelques pas de là, le curieux jardin des glaciers ressemble à un Gruyère.
Son histoire est étonnante : en 1872, c'est un employé de banque qui achète cette prairie, en dehors de la ville, dans le but d'y aménager une cave. Mais les travaux mettent à jour un trésor historique : il y a 20 000 ans, Lucerne n'était qu'un glacier et la preuve est là, devant nos yeux. Ces énormes trous ont été creusés par le glacier d'autrefois, c'est ce que l'on appelle des marmites glaciaires. La plus importante atteint près de 10 mètres de profondeur, l'employé de banque s'aperçoit que sa découverte vaut de l'or et transforme le chantier en jardin romantique… et ça marche.
Pour diversifier le Jardin des Glaciers, son épouse installe un palais des Glaces. Il ne se contente pas d'être amusant, il est beau, très beau…
Un petit sentier grimpe jusqu'à une tour d'observation, Lucerne s'étend sous nos yeux, à l'arrière plan, le majestueux Mont Pilate.
Et derrière, le lac bien sûr. Notre bateau nous attend, pour rejoindre, sur l'autre rive, la deuxième partie du canton de Lucerne.
Car Lucerne est un canton divisé en deux, relié uniquement par les eaux du lac. En face du chef-lieu, de petits villages pittoresques bronzent sur les rives.
Loin de l'animation de la ville, c'est ici que nous nous arrêtons pour la nuit. A Weggis, un village lucernois, entouré par le canton de Schwyz. Weggis et ses palmiers qui lui donnent un je ne sais quoi de Saint-Tropez… décidément très agréable.
Au loin, le Pilate se farde de rose et d'orange. La nuit tombe sur le canton de Lucerne. A l'heure à laquelle les nains de jardin redeviennent… de nains de jardin.
Texte complet de l'émission "Coucou la Suisse - Canton de Lucerne"
Au centre Est de la Suisse, le canton de Lucerne fait figure de géant à côté des minuscules cantons primitifs de Suisse centrale. Il s'étend sur une partie du Plateau suisse à l'Ouest, jusqu'aux Préalpes au Sud-est, culminant à 2129 m. d'altitude au sommet du Mont Pilate. Baigné par la Petite Emme et la Reuss, Lucerne partage le grand lac des Quatre-Cantons avec Uri, Schwyz, Obwald et Nidwald ; ses frontières cantonales comprennent aussi le bucolique petit lac de Sempach, planté au cœur d'une réserve naturelle où s'ébattent de nombreux - et parfois rares - oiseaux.
Canton à la fois rural et urbain, on cultive des céréales et des fruits dans ses campagnes tandis que la ville s'est spécialisée dans l'industrie textile, métallurgique ainsi que dans les services.
Canton divisé en deux, une enclave borde la rive Nord du lac des Quatre-Cantons ; Weggis et ses alentours, pourtant lucernois, ne sont reliés au reste du canton que par les eaux du lac, vestige d'une époque où la route n'existait pas et où tout se concentrait sur la navigation lacustre, tant le transport des marchandises que des gens. Ainsi, aujourd'hui encore, il faut traverser une partie du canton de Schwyz pour atteindre la deuxième partie du canton de Lucerne.
Le canton de Lucerne est étroitement lié aux balbutiements de l'histoire suisse, puisqu'en 1332 déjà, il adhère à la toute jeune Confédération helvétique alors uniquement composée des trois cantons de Schwyz, Uri et Unterwald. Lucerne se bat à leurs côtés contre les Habsburg d'Autriche et obtient son indépendance totale en 1386.
En 1845, Lucerne instigue le "Sonderbund", sorte de coup d'état des cantons catholiques qui forment une ligue séparatiste, aussitôt vaincue par l'armée fédérale. En guise de sanction, le statut de capitale fédérale est retiré à Lucerne - Berne est alors choisie - qui se contente alors du titre de chef-lieu du canton.
Le 11 décembre 1845, la révolte s'organise au sein de sept cantons suisses catholiques et conservateurs, qui instiguent une alliance séparatiste appelée "Sonderbund". Dans toute l'Europe, les Révolutions secouent les règles en place et une nouvelle population de libéraux radicalistes promeuvent une nouvelle politique anticléricale, ce qui ne plaît évidemment pas du tout aux cantons super catholiques de Suisse centrale (Lucerne, Uri, Schwyz, Unterwald et Zoug) et de Suisse romande (le Valais et Fribourg).
Tout commence en 1844, lorsque le canton de Lucerne jette le premier de l'huile sur le feu en confiant l'éducation obligatoire de ses chères têtes blondes aux Jésuites. Les laïcs ne peuvent légalement pas l'en empêcher mais la tension monte, aboutissant en 1845 à l'assassinat de Joseph Leu, tête de file des catholiques lucernois.
Lucerne fédère donc six autres cantons conservateurs qui signent secrètement, le 11 décembre 1845, une alliance (le "Sonderbund") assurant la défense de leur souveraineté et plébiscitant l'appui d'autres pays catholiques européens en cas de danger.
C'est la provocation de trop. Les laïcs, majoritaires à la Diète, déclarent cette alliance entre cantons catholiques illégale et les astreint à la dissoudre. Mais les sept cantons concernés s'y refusent et au début du mois de novembre, l'armée fédérale, sous le commandement du général Dufour, entre en guerre. Ses 50'000 hommes suffisent à faire plier les cantons récalcitrants, peu nombreux et dispersés, en moins d'un mois.
A l'issue de cette crise, seule véritable guerre civile qu'ait connu la Suisse (la guerre du Sonderbund), la Confédération des cantons suisses adopte une nouvelle Constitution en 1848.
1'493 km2
386'082 habitants
Lucerne (Luzern)
Allemand