Si en général les sommets sont masculins (le Pilate, le Schilthorn), LA Rigi est une dame, une grande dame voire carrément une reine : la reine des Montagnes comme on l'appelle ainsi. Pourtant pas particulièrement haute (1797 m. d'altitude), c'est sans aucun doute la montagne la plus mythique de la région… tout simplement parce qu'elle a ouvert la voie au tourisme alpin.
Un train ne peut pas gravir une pente supérieure à 4%, il faut donc faire appel à un système d'engrenage. Au 18e siècle, c'est Nicolas Riggenbach qui le premier en Europe, construit un train à crémaillère. Un train avec une locomotive géniale, inspirée des modèles américains, qui avec sa chaudière placée à la verticale ne craint pas la déclivité de la pente ; elle reste immergée dans l'eau durant tout le trajet.
Cette invention est un succès et immédiatement, les touristes de toute l'Europe, en particulier les Britanniques, se pressent à la petite gare de Vitznau pour partir, en une heure et quelques poussières à travers pâturages et forêts, à la conquête de ce sommet de près de 2000 mètres d'altitude. Jusque là, seuls les plus riches d'entre eux pouvaient se l'offrir ; le voyage, long, laborieux et dangereux, s'effectuait à dos de porteurs. Ces solides montagnards de la région perdirent leur travail avec l'arrivée de ce premier chemin de fer à crémaillère d'Europe.
La Rigi n°7 (nom donné à la première locomotive qui gravit les flancs de la montagne), véritable pionnière, est inaugurée le 27 juin 1873 ; elle trace la voie et lance le tourisme alpin en Suisse et plus tard sur tout le continent.
Aujourd'hui, le tracé est toujours le même. Et même si le train est électrique, il reprend parfois en été son aspect d'antan ; entre juillet et septembre, une locomotive à vapeur transporte les passagers comme au 19e siècle, dans un épais nuage de fumée.
Les transports sur le Rigi se sont développés et modernisés. Au total, deux trains à crémaillère (au départ d'Arth-Goldau et de Vitznau) et un téléphérique (au départ de Weggis) serpentent actuellement la montagne jusqu'à son sommet… il y a le choix ! Là-haut, le panorama est époustouflant. A nos pieds, le lac des Quatre-Cantons s'étire au creux de ses montagnes, aux côtés des plus petits lacs de Zoug et de Lauerz, avec le plateau suisse, l'Oberland bernois et les Alpes en toile de fond. Parfois, lorsque la météo le permet, l'horizon s'arrête au-delà du Jura, presque jusqu'à la Forêt Noire en Allemagne, au-delà de la ville de Bâle.
Depuis maintenant près de deux siècles, le sommet du Rigi est réputé pour la splendeur de ses levers de soleil derrière la cime des Alpes. Au 19e siècle déjà, les touristes arrivaient la veille au soir et attendaient de longues heures que l'horizon se baigne d'or, un "horizon invraisemblable", un "chaos d'exagérations absurdes et d'amoindrissements effrayants" écrivit l'un de ses visiteurs les plus célèbres, Victor Hugo. Marc Twain lui n'écrivit rien puisqu'il oublia tout simplement de se réveiller…
100km de sentiers pédestres s'évadent sur les crêtes de la montagne, permettant aux marcheurs les plus sportifs de rejoindre la plaine à pied. Un équipement complet est nécessaire - chaussures adaptées et piolets - le parcours accuse un dénivelé de 1250 mètres ! Au départ de la station "Rigi-Kaltbad" quelques dizaines de mètres en dessous du sommet, prévoyez cinq heures pour rejoindre le village de Vitznau ou de Weggis.
Ingénieur suisse né en 1817 et disparu 82 ans plus tard, il est l'inventeur de la "crémaillère Riggenbach", un système d'engrenage conçu pour la première fois en 1871 dans le but de gravir la montagne Rigi, entre les cantons de Schwyz et de Lucerne. C'était alors le premier chemin de fer à crémaillère du continent.
La "crémaillère Riggenbach" se présente sous la forme de rails traditionnels reliés entre eux par des segments de métal carrés, sur lesquels s'accroche une roue dentée verticale qui supporte les wagons. C'est aujourd'hui encore l'un des systèmes de crémaillère les plus utilisés en Europe, il permet de gravir des pentes atteignant une déclivité de près de 50%.
La Suisse a su conserver et entretenir l'héritage de Riggenbach. Elle reste aujourd'hui un pays à la pointe de cette technologie, exploitant 40 lignes de chemins de fer à crémaillère (dont une ligne à Lausanne - Lausanne/Ouchy - aujourd'hui fermée qui était en fait un métro à crémaillère).