Dans le district de Delémont, plus loin que la ville chef-lieu, la route s'enfonce à l'Est dans la forêt prenant parfois des allures de bout du monde ; nous arrivons aux limites du petit canton du Jura. Après quelques sinueux kilomètres, le village de Vicques étire ses majestueuses fermes familiales le long de la route.
D'une superficie de presque 1300 hectares, la moitié du territoire de cette petite commune est couvert d'un épais tapis forestier. A la sortie du village, une maison surgit à la lisière de la forêt. C'est l'atelier du taxidermiste Christian Schneiter.
Dans son atelier à l'abri des collines jurassiennes, Christian Schneiter sculpte et habille les animaux de fourrures longuement travaillées : c'est un taxidermiste. Au fil de sa carrière, ce solide jurassien a réuni une impressionnante collection d'animaux naturalisés représentant tous les continents du monde ; des félins, des rongeurs, des oiseaux, des serpents, mais aussi les animaux de nos régions, les lynx, les ours, les loups par exemple.
Aujourd'hui, sa collection est la plus importante de Suisse, riche de plus de 3000 animaux ; tellement qu'il a eu la bonne idée d'ouvrir ses ateliers aux curieux qui, sur trois niveaux, partent à la découverte du monde à travers le regard figé de ces petits chefs d'œuvre… car vous vous en apercevrez rapidement, Christian Schneiter a un véritable don pour la mise en scène de ses sujets. De sa maison plantée en pleine nature à quelques pas seulement de la forêt, il observe durant des heures la démarche du blaireau, les expressions du renard ou le vol de la corneille. Car il vous le dira, un bon taxidermiste aime les animaux… Ces heures d'études et son expérience se reflètent dans son travail. En se baladant dans les différentes salles, on croit entendre rugir un lion ou chanter un rossignol.
Mais déjà, sa maison paraît trop petite pour accueillir tout le monde et Christian Schneiter prévoit d'ouvrir bientôt à Courrendlin un parc d'attractions unique, "L'Arche de Noé". Tout comme dans la Bible, cet endroit réunirait les couples de toutes les espèces animales (de la collection de M. Schneiter du moins).
Du grec "taxis" (arrangement) et "derma" (la peau), la taxidermie est un artisanat - presque un art - difficile qui consiste à redonner une apparence vivante à des animaux morts. On appelle cela "naturaliser".
La première phase consiste à "dépouiller" l'animal, en clair à lui retirer sa peau, délicatement en évitant qu'elle ne se déchire. Le moindre os, parcelle de graisse ou de peau accroché à la fourrure est retiré.
Le tannage permet d'assouplir la peau. Elle est traitée chimiquement contre les champignons et les insectes avant d'être plongée dans différents bains conçus pour préserver la qualité de la fourrure (ou du plumage). Finalement, la peau est graissée, elle retrouve sa souplesse.
Le taxidermiste commence alors à concevoir le squelette de l'animal, en métal, en bois ou en matières synthétiques plus modernes (mousses ou résines) - initialement, cela se faisait en paille, d'où le terme "empailler". A ce moment précis, le taxidermiste doit définir la position qu'il souhaite donner à l'animal ; aux aguets, endormi, gambadant, etc. Il s'appuie sur des photographies et des dessins, mais surtout sur ses excellentes connaissances de la physionomie animale.
Enfin, comme un mannequin essaierait sa robe avant un grand défilé, le squelette enfile sa fourrure. C'est un travail millimétré et laborieux, le squelette est enduit de graisse pour faciliter le montage. Après quelques petites retouches, la fourrure est cousue et des yeux de verre sont placés. L'animal est séché, brossé ; il retouve son aspect d'autrefois.
La technique est plus complexe lorsqu'il s'agit d'oiseaux - la peau est directement collée sur le squelette - ou de reptiles et batraciens, réalisés à base de moulage de plâtre ou de plastique peints selon les caractéristiques précises du sujet. Quant aux poissons, la technique du moule peint est elle aussi utilisée, parfois la queue et les nageoires peuvent être conservées.
La taxidermie trouve sans doute ses origines dans les lointains temps préhistoriques, lorsque les hommes commencent à maîtriser les techniques de tannage des peaux et d'embaument de corps morts, dans l'Egypte antique. Cependant, il faut attendre la moitié du 18e siècle pour voir les premiers animaux naturalisés, prioritairement conçus pour les Musées d'histoire naturelle. A cette époque, la technique est maladroite et le rembourrage de paille plutôt grossier. Mais au fil des ans, la taxidermie se perfectionne ; Les spécialistes naturalisent les premiers oiseaux et créent la technique de montage des plumes. La construction des squelettes est toujours plus réalistes, davantage mise en scène, parfois dans des environnements complexes rappelant l'habitat du sujet naturalisé (parfois, un animal naturalisé plus petit est placé dans la gueule de son prédateur).